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Vie des affaires

Cession de droits sociaux

Cession de sociétés : une clause de non-concurrence doit-elle prévoir une contrepartie financière ?

L'engagement du cédant, dans l'acte de cession des droits sociaux, de ne pas concurrencer la société cédée ne nécessite pas de prévoir, en sa faveur, une contrepartie financière. Celle-ci est obligatoire seulement si le cédant a aussi la qualité de salarié au jour de la cession. Tel n'est pas le cas d'une simple promesse d'embauche qui ne suffit pas à rendre nécessaire cette contrepartie financière.

Une contrepartie financière n’est pas nécessaire dans toutes les clauses de non-concurrence

La clause est demandée au cédant de droits sociaux

Dans le cadre de la cession de droits sociaux, le cédant peut s'engager à ne pas occuper un poste de dirigeant ou détenir une participation dans le capital d'une société concurrente de celle dont les titres sont cédés. Pour cela, cette clause de non-concurrence doit être limitée dans le temps et l'espace et proportionnée aux intérêts de la société (cass. com. 20 septembre 2016, n° 15-13263). En revanche, il n’est pas nécessaire d’y prévoir une contrepartie financière pour le cédant.

La clause est insérée dans un contrat de travail consenti au cédant

L’engagement de non-concurrence peut aussi résulter d’une clause d’un contrat de travail consenti au cédant. Dans ce cas, la clause de non-concurrence doit, pour être valable, protéger les intérêts légitimes de l’entreprise, tenir compte des spécificités du poste du salarié, être strictement délimitée dans le temps et dans l’espace et avoir une contrepartie financière (cass. soc. 10 juillet 2002, nos 99-43334, 00-45135, 00-45387).

Qu’en est-il lorsque la clause est demandée contre promesse d’embauche ?

Un cédant conteste l'absence de contrepartie financière

Un associé et gérant d'une SARL spécialisée dans le commerce et la réparation de matériels informatiques cède l'intégralité de ses titres à une société tierce.

Le protocole de cession, en date du 29 décembre 2011, prévoit une clause de non-concurrence au terme de laquelle le cédant s’engage à ne pas s’intéresser à une activité concernant les copieurs, télécopieurs, imprimantes, duplicopieurs, consommables et fournitures dans les régions de Bretagne, Normandie et Pays de Loire et ce pendant une durée de 7 ans. L’acte de cession contient également un engagement du cessionnaire d’embaucher le cédant en qualité de directeur commercial au jour de la réalisation de la cession.

Le 2 avril 2012, le cédant est embauché et son contrat de travail comporte une seconde clause de non-concurrence. Il est ensuite licencié le 2 décembre 2014 et libéré de l’interdiction de concurrence stipulée dans son contrat de travail.

Invoquant l'absence de contrepartie financière au titre de la clause de non-concurrence insérée dans le contrat de cession, le cédant assigne la société cessionnaire afin de voir prononcer la nullité de ladite clause et d'obtenir le paiement d’une indemnité de 144 000 € visant à réparer son préjudice.

Seul un salarié peut exiger une contrepartie financière

Le cédant soutient devant les juges que la promesse d'embauche faite dans le protocole de cession vaut contrat de travail. Selon lui, il avait la qualité de salarié au jour de son engagement de non-concurrence. Une contrepartie financière lui était donc due et ce, même si la date d'effet du contrat de travail avait été reportée au 2 avril 2012.

Ce raisonnement ne convainc ni la cour d'appel, ni la Cour de cassation.

En effet, lors de la signature du protocole de cession, le cédant avait la qualité d’associé et de dirigeant de la SARL cédée et non de salarié. Il ne bénéficiait à ce titre que d’une simple promesse d’embauche. Par conséquent, la validité de la clause de non-concurrence n’était pas soumise à l'existence d'une contrepartie financière.

À noter. Cette solution avait déjà été adoptée par la Cour de cassation dans des affaires similaires (cass. com. 8 octobre 2013, n° 12-25984 ; cass. com. 11 mars 2014, n°12-12074).

En pratique, l'associé et dirigeant, qui souhaite céder les titres de sa société, a tout intérêt à prévoir dans le protocole de cession une contrepartie financière si une clause de non-concurrence lui est demandée. À défaut, il ne lui sera pas possible de soulever une quelconque contestation si cette contrepartie n’y est pas mentionnée.

Pour aller plus loin :

« Le mémento de la SARL et de l'EURL », RF Web 2020-3, § 1534

« Le mémento de la SAS et de la SASU », RF Web 2021-3 (à paraître), § 237

« Groupes de PME », RF 2019-5, §§ 74 et 1505

Cass. com. 23 juin 2021, n°19-24488