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Faute grave

L'employeur peut licencier un salarié pour faute grave, y compris si la faute intervient durant sa mise à pied conservatoire

Le licenciement pour faute grave d’un salarié est justifié, même si cette faute a été commise durant la mise à pied conservatoire et qu'aucune faute antérieure à la mise à pied conservatoire n’a pu lui être reprochée.

Quand un SMS peut faire basculer une procédure disciplinaire vers un licenciement pour faute grave

Les faits. - Une salariée engagée en qualité de vendeuse a été, le 29 mars 2016, mise à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement pour vol d’une paire de chaussure. Durant sa mise à pied conservatoire (le 31 mars 2016), elle a adressé le SMS suivant à une collègue « coucou [F] tu pourrais me rendre service pour éviter tout soupçon de vol sur moi, car avec ça je suis ficher moi après. Ce que je vais faire c'est que je vais acheter une paire de pompe les mm et si tu pourra les mettre en réserve mais genre pas en évidence quoi ?! Et après tu feras genre tu les a retrouver ? Pck cette histoire me rend ouf je te jure ! ».

L’employeur l’a alors licenciée pour faute grave le 11 mai 2016.

La défense de la salariée. - Estimant son licenciement injustifié, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes. Selon elle, seule la faute grave, qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, peut justifier une mise à pied conservatoire. Si le juge constate qu'aucune faute grave ne peut être reprochée au salarié avant sa mise à pied conservatoire, alors le licenciement pour faute grave notifié par l'employeur est nécessairement injustifié.

La position des juges du fond. - Les juges du fond n’ont pas suivi son raisonnement, sans relever pourtant de faute grave préalable à la mise à pied conservatoire. Ils ont considéré que l’envoi d’un SMS à une collègue durant la mise à pied conservatoire sollicitant son aide pour préserver son emploi en écartant les soupçons infondés de vols formulés par l’employeur constituait une faute grave, par manquement de la salariée à son obligation de loyauté. Insatisfaite de n’avoir pas obtenu gain de cause devant les juges du fond, la salariée s’est donc pourvue en cassation.

L’employeur peut-il licencier un salarié pour faute grave si la faute intervient durant sa mise à pied conservatoire ?

Réponse positive de la Cour de cassation qui confirme ainsi la décision des juges du fond. Elle relève qu’au cours de sa mise à pied conservatoire, la salariée avait usé d’un stratagème consistant à impliquer un collègue pour tenter de dissimuler frauduleusement un vol commis au préjudice de son employeur alors qu’elle était toujours tenue, à son égard, d’une obligation de loyauté.

Elle approuve les juges du fond d’avoir considéré que de tels faits mettaient en cause la probité de la salariée et que cette faute rendait à elle seule impossible la poursuite du contrat de travail.

Pour la Cour de cassation, le licenciement pour faute grave était donc bien justifié, peu important qu’aucune faute antérieure à la mise à pied conservatoire n’ai pu être reprochée à la salariée.

Soulignons que l’employeur n’est, en principe, aucunement tenu de procéder à une mise à pied conservatoire avant d’engager une procédure disciplinaire. La mise à pied conservatoire est seulement une mesure visant notamment à laisser le temps nécessaire à l’employeur pour choisir la sanction qu’il va prononcer à son encontre et, le cas échéant, pour mener son enquête.

Rappelons enfin que lorsque le licenciement intervient pour faute grave ou lourde, l’employeur n’a pas à rémunérer le temps durant lequel le salarié a été mis à pied à titre conservatoire (cass. soc. 7 décembre 1989, n° 89-45625, BC V n° 700). Lorsque que, au contraire, l’employeur estime que la faute reprochée au salarié justifie un licenciement pour faute simple, il doit verser au salarié la rémunération correspondant à la période de mise à pied (cass. soc. 5 novembre 1987, n° 84-44971, BC V n° 617 ; cass. soc. 3 février 2004, n° 01-45989 D).

Cass. soc. 9 mars 2022, n° 20-19744 D