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Durée du travail

Un forfait annuel en jours n'est pas synonyme de liberté totale

Une convention de forfait annuel en jours ne donne pas au salarié le droit de fixer librement ses horaires de travail indépendamment de toute contrainte liée à l’organisation du travail décidée par l’employeur. C’est ce qu’a appris à ses dépens un salarié dans une affaire jugée par la Cour de cassation le 2 février 2022.

Forfait jours rime avec autonomie

Il est possible de recourir au forfait annuel en jours si un accord collectif le prévoit (c. trav. art. L. 3121-63).

Cet accord va notamment déterminer les salariés pouvant signer ces conventions de forfait, sachant que le code du travail ouvre ce dispositif à deux catégories de personnels (c. trav. art. L. 3121-58) :

-les cadres qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable dans le service, l’équipe ou l’atelier dans lequel ils sont intégrés ;

-les salariés, cadres ou non, dont la durée du temps de travail ne peut pas être prédéterminée et qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour l’exercice de leurs responsabilités.

Le salarié en forfait jours doit donc par définition avoir une certaine liberté, mais il doit néanmoins s’intégrer dans un collectif de travail comme l’illustre l’arrêt du 2 février 2022.

L’affaire : un salarié qui pousse l’autonomie jusqu’à l’indépendance totale

L’affaire jugée le 2 février 2022 concernait une salariée engagée le 3 décembre 2011 en qualité de vétérinaire dans le cadre d’une convention de forfait fixée à 216 jours annuels, réduit à 198 jours par un avenant du 1er janvier 2012.

La salariée a ensuite demandé une réduction de son temps de travail, acceptée par l’employeur, qui lui a notifié par courrier recommandé du 27 novembre 2012 un planning de ses jours de présence à la clinique vétérinaire, organisé en journées ou demi-journées.

Après plusieurs avertissements, l’employeur lui a à nouveau notifié son planning par courriel du 30 décembre 2013.

Les écarts se poursuivant, la salariée a fini par être licenciée pour faute grave le 31 mars 2014, son employeur lui reprochant de ne pas respecter les jours de présence fixés dans son emploi du temps, de se présenter à son poste de travail selon ses envies et de le quitter sans prévenir ses collaborateurs.

Cela posait la question des limites de la liberté d’organisation de son temps de travail, par un salarié en forfait annuel en jours.

Nécessaire respect des contraintes liées à l’organisation du travail

La Cour de cassation souligne qu’une convention individuelle de forfait annuel en jours « n’instaure pas pour le salarié le droit de fixer librement ses horaires de travail indépendamment de toute contrainte liée à l’organisation du travail par l’employeur dans l’exercice de son pouvoir de direction ».

À noter : ce faisant, la Cour reprend à la lettre un principe qu’elle avait déjà posé en 2014 pour une convention de forfait annuel en heures (cass. soc. 2 juillet 2014, n° 13-11904, BC V n° 171).

Dans l’affaire qui nous intéresse ici, la société pouvait imposer à la salariée les demi-journées ou les journées de présence en fonction des contraintes liées à l’activité de la clinique vétérinaire pour les rendez-vous donnés aux propriétaires des animaux soignés. Dans ce cadre, la salariée pouvait organiser sa journée de travail comme bon lui semblait. Elle était libre de ses horaires et pouvait déterminer ses interventions à sa guise.

Son employeur pouvait donc lui reprocher ses absences.

La cour d’appel ayant constaté que la salariée ne respectait pas les jours de présence fixés dans son emploi du temps, se présentait à son poste de travail selon ses envies et le quittait sans prévenir ses collaborateurs, en a déduit que compte tenu de la spécificité de son activité au sein d’une clinique recevant des clients sur rendez-vous, ces faits rendaient impossible son maintien dans l’entreprise.

La faute grave était caractérisée.

Cass. soc. 2 février 2022, n° 20-15744 D