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Licenciement économique

L'employeur peut avoir recours à des prestataires extérieurs après une suppression de poste

L’employeur qui licencie pour motif économique un salarié sur le fondement de difficultés économiques conduisant à la suppression de son poste peut avoir ensuite recours à des prestataires extérieurs pour exercer les fonctions anciennement occupées par le salarié. La lettre de licenciement n’a pas à évoquer l’externalisation de l'activité par le recours à la sous-traitance.

Un licenciement économique suppose une suppression d’emploi

Pour qu’un licenciement économique soit valable, il doit répondre à plusieurs critères fixés par la loi (c. trav. art. L. 1233-3) :

-l’absence de lien avec le comportement personnel du salarié concerné ;

-l’existence d’une cause économique : difficultés économiques, mutations technologiques, réorganisation de l’entreprise pour sauvegarder sa compétitivité ou cessation d’activité de l’entreprise ;

-un effet de cette cause économique sur l’emploi ou le contrat de travail : suppression d’emploi, transformation d’emploi ou modification du contrat de travail refusée par le salarié.

C’est sur ce troisième critère, l’effet sur l’emploi, que portait le litige soumis à la Cour de cassation et plus particulièrement sur la notion de « suppression d’emploi ».

Les tâches d’un salarié licencié économique données à des prestataires extérieurs

Dans cette affaire, une salariée occupant un poste de professeur avait été licenciée pour motif économique suite à la suppression de ce poste.

Après ce licenciement, l'association qui avait été placée en redressement judiciaire, avait partiellement externalisé l'activité d'enseignement en la sous-traitant à d'anciens salariés, eux-mêmes licenciés pour motifs économiques, et intervenant sous le statut d'auto-entrepreneur.

La salariée licenciée a alors invoqué devant les juges le caractère sans cause réelle et sérieuse de son licenciement.

Contrairement aux juges du fond, la Cour de cassation ne lui a pas donné gain de cause.

Une suppression de poste peut être associée aux recours à des prestataires extérieurs

Pour les juges du fond, l’employeur n’avait pas su rapporter la preuve de la suppression effective du poste occupé par la salariée en lien avec le motif économique avancé.

Par principe, il n’y a suppression d’emploi que si le salarié licencié n’est pas remplacé après son départ de l’entreprise par un autre salarié. Toute la question, ici, étant de déterminer s’il y avait réellement une suppression de poste alors que l’employeur avait eu ensuite recours à des prestataires extérieurs.

Mais aux yeux de la Cour de cassation, le doute n’était pas permis : le recours à des prestataires extérieurs pour exercer les fonctions du salarié constitue une suppression de poste de travail.

Le licenciement pour motif économique était donc fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Ce n’est pas la première fois que la Cour de cassation se prononce en ce sens (cass. soc. 17 décembre 2008, n° 07-43974 D).

Cette décision est aussi dans l’esprit d’autres décisions en vertu desquelles la notion de suppression d’emploi n’implique pas nécessairement la disparition concomitante des tâches effectuées par le salarié licencié. À cet égard, les tâches effectuées par le salarié peuvent, par exemple, être réparties entre les salariés demeurés dans l’entreprise (cass. soc. 23 octobre 2019, n° 18-10032 D), c’est son remplacement immédiat par un autre salarié de l’entreprise à son poste de travail qui n’est pas admis (cass. soc. 16 janvier 2001, n° 98-44461, BC V n° 11).

La lettre de licenciement n’a pas à préciser l’externalisation de l’activité

Les juges du fond reprochaient aussi à l’employeur de ne pas avoir suffisamment motivé la lettre de licenciement en omettant de préciser la nécessité d’externaliser l’activité anciennement effectuée par la salariée licenciée.

La Cour de cassation n’a pas été du même avis.

Pour rappel, la lettre de licenciement doit être motivée, c’est-à-dire explicite sur les motifs justifiant cette mesure (c. trav. art. L. 1232-6, L. 1233-16, L. 1233-42). Lorsqu’un motif économique est invoqué, la lettre doit énoncer à la fois la raison économique qui fonde la décision de l’employeur et sa conséquence précise sur l’emploi ou le contrat de travail du salarié (c. trav. art. L. 1233-16 et L. 1233-42).

Aux yeux de la Cour de cassation, dans sa décision du 16 février 2022, une lettre de licenciement est suffisamment motivée lorsqu’elle mentionne, comme ici, les difficultés économiques (à savoir la raison économique) et la suppression du poste du salarié (à savoir la conséquence sur l’emploi). Elle n’a donc pas à préciser en plus la nécessité d’externaliser l’activité.

Cass. soc. 16 février 2022, n° 20-20796 D