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La négociation de l'accord sur le télétravail s'achève positivement

Après une réunion de dernière minute organisée le 26 novembre 2020, faute de consensus autour du projet d’accord envoyé le 24 novembre qui devait être définitif, les partenaires sociaux sont parvenus à conclure positivement la négociation de l’accord national interprofessionnel (ANI) sur le télétravail. Le texte, qui a fait l’objet de plusieurs précisions, est ouvert à la signature jusqu’au 23 décembre. Il a reçu l’avis positif préalable de 4 organisations syndicales (CFDT, FO, CFE-CGC, CFTC ; CGT contre). La CFDT, la CFTC et FO ont annoncé qu’elles le signeront. Nous en détaillons les points principaux. MAJ du 15/12/2020 : la CFE-CGC signera l'accord. MAJ du 18/12/2020 : la CGT ne signe pas l'accord. L'ANI est donc signé par les 3 organisations patronales (MEDEF, CPME, U2P) et 4 organisations syndicales (CFDT, FO, CFE-CGC, CFTC).

Un accord sur le télétravail qui a vocation à servir de référentiel

Il faut tout d’abord souligner que le projet d’ANI sur le télétravail se présente comme un référentiel pour les entreprises, destiné à rappeler le droit et à apporter des solutions opérationnelles.

Il se veut non normatif, en ce sens qu’il n’a pas vocation à prévoir d’obligations nouvelles à la charge des entreprises.

Selon les termes du texte, il a pour objet d’« expliciter l’environnement juridique applicable au télétravail et [de] proposer aux acteurs sociaux dans l’entreprise, et dans les branches professionnelles, un outil d’aide au dialogue social, et un appui à la négociation, leur permettant de favoriser une mise en œuvre réussie du télétravail ».

Il propose donc un cadre pour la pratique du télétravail, tout en précisant que « c’est au niveau de l’entreprise que les modalités précises de mise en œuvre du télétravail sont définies ».

Dans un communiqué diffusé le 26 novembre après-midi, le ministère du Travail se félicite de ce projet d’accord et indique que « ce texte permettra d’encourager la dynamique de négociations de branches et d’entreprises en matière de télétravail, en donnant un cadre clair sur les modalités de sa mise en œuvre et sur la manière de négocier sur ce sujet ».

L’employeur responsable de déterminer les activités éligibles au télétravail

Le projet d’ANI rappelle tout d’abord les modalités de mise en place du télétravail prévues par la loi (c. trav. art. L. 1222-9) : par un accord collectif d’entreprise ou, à défaut, une charte élaborée par l’employeur après avis du CSE s’il existe ; de gré à gré entre le salarié et l’employeur en l’absence d’accord ou de charte ; mise en place considérée comme un aménagement du poste de travail en cas de circonstances exceptionnelles ou de force majeure.

Il indique ensuite que « l’identification des activités de l’entreprise pouvant faire l’objet de télétravail […] relève […] nécessairement de la responsabilité de l’employeur et de son pouvoir de direction », sous réserve des règles légales et conventionnelles applicables dans l’entreprise.

La définition des postes éligibles au télétravail dans l’entreprise constitue donc une prérogative de l’employeur.

Cependant, le projet d’ANI ajoute que « la définition des critères d’éligibilité peut utilement alimenter le dialogue social ». De plus, il rappelle que le CSE doit être consulté sur les décisions de l’employeur relatives à l’organisation du travail ayant un impact sur la marche générale de l’entreprise, « dont les conditions de mise en œuvre et le périmètre du télétravail ».

Par ailleurs, le texte souligne « l’importance de faire de la mise en place du télétravail un thème de dialogue social et de négociation au niveau de l’entreprise ». Celle-ci peut prendre place dans les négociations périodiques sur la qualité de vie au travail ou sur le droit à la déconnexion (c. trav. art. L. 2242-13 et L. 2242-17).

Faute de partenaires dans l’entreprise (délégués syndicaux ou CSE), l’employeur est incité à se concerter avec les salariés en se référant à un accord de branche conclu sur ce thème s’il en existe un.

Conditions d’accès au télétravail : volontariat, formalisation, refus, réversibilité

Double volontariat. - Le projet d’accord précise que le télétravail revêt un caractère volontaire pour le salarié et l’employeur, sauf cas de force majeure ou circonstances exceptionnelles.

Il y est rappelé qu’il peut être institué dès l’embauche ou en cours de contrat de travail.

Refus de l’employeur. – Le projet d’ANI rappelle que le refus de l’employeur doit être motivé si le télétravail a été institué par un accord collectif ou une charte et que le salarié y est éligible ou si le salarié est travailleur handicapé ou proche aidant (c. trav. art. L. 1222-9). Dans les autres cas, précise le texte, « l’employeur est invité à préciser les raisons de son refus ».

Formalisation de l’accord. - La forme de l’accord entre l’employeur et le salarié suit les modalités éventuellement prévues par l’accord collectif ou la charte. À défaut d’accord collectif ou de charte, le projet d’ANI indique que l’accord est formalisé « par tout moyen », mais l’écrit, « quel qu’il soit », est recommandé pour des questions de preuves.

Il ajoute que le salarié qui accède au télétravail régulier est informé par écrit sur le fonctionnement du télétravail. Les informations portent notamment sur les équipements, leurs coûts, les assurances et les règles de prise en charge des frais professionnels, « telles que définies dans l’entreprise » (voir ci-après), ainsi que sur les modalités d’articulation entre le présentiel et le distanciel.

Adaptation et réversibilité. – Le projet d’ANI prévoit une période d’adaptation au télétravail régulier et indique, s’il y est mis fin durant cette période, que le salarié retrouve son poste dans l’entreprise.

Il précise aussi les conditions de réversibilité du télétravail régulier. Si l’employeur et le salarié conviennent de cesser le télétravail, le salarié retrouve dans les locaux de l’entreprise « l’emploi tel qu’il résulte de son contrat de travail ».

Si le télétravail faisait partie des conditions d’embauche, le salarié bénéficie d’une priorité d’accès à tout emploi vacant s’exerçant dans les locaux de l’entreprise et correspondant à sa qualification.

Par ailleurs, le texte ajoute qu’en tout état de cause, « l’employeur peut organiser les conditions du retour ponctuel du salarié en télétravail dans les locaux de l’entreprise en cas de besoin particulier, de sa propre initiative ou à la demande du salarié ».

Organisation du télétravail : horaires de travail, équipements, frais professionnels, accidents du travail

Horaires de travail et contrôle. – Le projet d’accord indique que l’employeur fixe en concertation avec le salarié les plages horaires où il peut le contacter, celles-ci devant être cohérentes avec les horaires de travail en vigueur dans l’entreprise.

Si le contrôle de l’activité et du temps de travail du salarié en télétravail passe par des dispositifs numériques spécifiques, le projet d’accord rappelle qu’il faut alors consulter préalablement le CSE et informer préalablement les salariés.

Outils numériques et équipements. – Le texte indique qu’il s’agit « d’outils fournis par l’employeur ou d’outils personnels du salarié ».

Il est rappelé que l’employeur doit respecter le RGPD et les prescriptions de la CNIL. Il informe le salarié en télétravail des dispositions applicables sur ce point et des éventuelles restrictions d’usage des équipements, ainsi que des sanctions applicables en cas de non-respect.

Frais professionnels. – Le projet d’ANI rappelle que les frais engagés par un salarié dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail doivent être supportés par l’employeur et que ce principe s’applique à l’ensemble des situations de travail.

Il indique ainsi qu’« il appartient à l’entreprise de prendre en charge les dépenses qui sont engagées par le salarié pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’entreprise, après validation de l’employeur ».

Il précise que le choix des modalités de prise en charge éventuelle des frais professionnels peut être, le cas échéant, un sujet de dialogue social au sein de l’entreprise et qu’il peut s’agir d’une allocation forfaitaire.

Protection de la santé et accidents du travail. - Le projet d’accord rappelle que l’employeur est soumis aux dispositions légales et conventionnelles protégeant la santé et la sécurité des salariés, mais il souligne que « l’employeur ne peut avoir une complète maîtrise » du lieu de télétravail qui relève de la sphère privée.

Il souligne l’importance de prendre en compte le télétravail dans l’évaluation des risques professionnels, et notamment « les risques liés à l’éloignement » de la communauté de travail et à « la régulation de l’usage des outils numériques ».

Enfin, le projet d’accord rappelle que, « malgré les difficultés de mise en œuvre pratique », le télétravail est soumis à la présomption d’imputabilité des accidents de travail.

Adaptation des pratiques managériales

Le projet d’ANI indique que le télétravail fait évoluer les pratiques managériales et repose sur un postulat fondamental : la relation de confiance entre un responsable et chaque salarié en télétravail, ainsi que sur deux aptitudes complémentaires que sont l’autonomie et la responsabilité.

Pour cela, le manager a un rôle clef dans la mise en œuvre du télétravail et des formations aux évolutions managériales peuvent être envisagées (management à distance, respect du cadre légal de la durée du travail, droit à la déconnexion, etc.).

Concernant la préservation de la relation de travail avec le salarié, les risques d’isolement et de rupture du lien social doivent être pris en compte. Des dispositifs peuvent être envisagés et notamment des temps de travail collectifs réguliers qui sont indispensables.

Exercice du dialogue social en situation de télétravail

Le dialogue social, l’exercice du droit syndical et de la représentation du personnel doivent pouvoir continuer à s’exercer, y compris si les acteurs du dialogue social et les salariés sont en télétravail.

Sur des outils qui peuvent être utilisés, le projet d’ANI évoque des exemples de local syndical et de panneaux d’affichage numériques. Il évoque aussi la possibilité de réunions de négociation et de réunions du CSE à distance afin, notamment, de répondre à des situations particulières.

Enfin, il rappelle qu’en vertu de la loi, les élus du personnel et les mandataires syndicaux, qu’ils soient dans les locaux de l’entreprise ou en télétravail, bénéficient de moyens de fonctionnement équivalents. Afin de leur permettre de maintenir le lien avec les salariés en télétravail, il indique qu’il est utile de préciser par accord collectif, ou à défaut par une charte, les modalités adaptées d’utilisation des outils numériques à destination des acteurs du dialogue social dans l’entreprise.

Télétravail en cas de circonstances exceptionnelles

Anticiper le recours au télétravail. - Sur ce point le projet d’accord indique qu’il peut être utile de prévoir, dans l’accord ou la charte sur le télétravail, les conditions et les modalités du recours au télétravail en cas de circonstances exceptionnelles ou de force majeure. Le repérage en amont des activités télétravaillables peut permettre une mise en place plus rapide. Dans les entreprises dénuées de délégués syndicaux, il est rappelé que le CSE doit être consulté préalablement à la mise en place d’un plan de continuité.

En tout état de cause, l’élaboration en amont d’un plan de continuité et/ou de reprise d’activité semble pertinente.

Une ou plusieurs personnes peuvent être dédiées pour permettre le partage d’informations, la communication à destination de la communauté de travail, l’identification des situations individuelles et collectives à risque.

Consultation du CSE et information des salariés. – Dans une telle situation, le projet d’accord indique que les modalités habituelles de consultation du CSE peuvent être adaptées : celui-ci est consulté dans les plus brefs délais sur la mise en place du télétravail, donc a posteriori et non préalablement.

Dans ce cadre, le recours au télétravail n’est pas soumis au principe de double volontariat. En effet, dans ce cas, le télétravail est considéré comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés (c. trav. art. L. 1222-11).

L’employeur informe les salariés par tout moyen, mais de préférence par écrit, notamment sur la période prévue ou prévisible de télétravail, l’organisation des conditions de travail individuelles, l’organisation des relations collectives de travail, les contacts utiles dans l’entreprise, l’organisation du temps de travail, l’organisation des échanges entre les salariés et entre les salariés et leurs représentants, les modalités de prise en charge des frais professionnels, les règles d’utilisation des outils numériques, etc.

Frais professionnels. – Le projet d’accord précise que le principe de prise en charge des frais professionnels qui vaut pour le télétravail régulier (voir ci-avant) s’applique également au télétravail en cas de circonstances exceptionnelles ou de force majeure.

Santé et sécurité. – Le projet d’accord appelle également les employeurs à porte une attention particulière à l’application des règles légales et conventionnelles relatives à la santé et la sécurité des salariés, eu égard aux éventuelles difficultés que le télétravail en cas de circonstances exceptionnelles ou de force majeure peut occasionner.

Projet définitif d'accord national interprofessionnel du 26 novembre 2020 sur le télétravail https://revuefiduciaire.grouperf.com/plussurlenet/complements/20201126_ANITeletravail-26112020.pdf